@Iconsport
C'est sans doute le plus grand paradoxe dans l'enseignement du tennis moderne (et même dans son analyse) : il est communément admis que le jeu possède 4 grandes composantes (technique, tactique, physique et mental), mais on peut se rendre compte dans la littérature spécialisée que les auteurs font un peu tout ce qu'il peuvent pour les différencier et chercher à les hiérarchiser.
En effet, prenez un livre sur la préparation mentale et vous verrez que l'auteur essaye de vous convaincre que les autres facteurs du jeu sont accessoires et qu'en progressant mentalement, vous améliorerez bien plus vos performances qu'en travaillant techniquement vos coups.
De la même manière, les techniciens vont vous proposer d'obtenir une technique parfaite ou d'imiter celles d'autres joueurs en assurant que la progression sur le plan technique va vous faire progresser de plusieurs classements...Etc, etc...
Mais je vous propose aujourd'hui à travers cet article d'élargir un peu plus cette vision pour essayer d'analyser le jeu d'une manière plus globale.
Cas de figure : mise en situation
Prenons par exemple un match officiel que vous être en train de jouer. Il y a entre autres, 4 spectateurs qui vous observent : un technicien, un tacticien, un préparateur physique et un préparateur mental.
Dans le premier set, vous menez 4/3 et obtenez une balle de break. Lors de ce point, au cours de l'échange, votre coup droit d'attaque sort des limites du terrain. A la fin du match, chaque spectateur vous propose une analyse de ce point perdu en fonction de ses croyances et de ses compétences et vous proposer une remédiation.
Le technicien pour sa part va vous expliquer que lors de votre frappe, l'orientation du tamis n'était pas optimal, et le coup a été déclenché trop tard. Il va vous proposer lors du prochaine entraînement une situation au panier dans des conditions comparables avec une cible à atteindre afin de répéter un bon nombre de fois ce coup afin de l'automatiser.
Le tacticien quand à lui va vous prouver que jouer ce coup à ce moment là du point n'était pas cohérent car vous a obligé à tenter un coup trop difficile. Il vous proposera quand à lui un travail de choix de coups à réaliser en fonction de la position de l'adversaire et de la zone de rebond de la balle.
La préparateur physique va lui se fixer sur votre jeu de jambes qui a manqué d'ajustement sur ce coup, et sur le fait que vous étiez en difficulté physique durant ce point et donc vous faire travailler sur la capacité cardio et le dynamisme du jeu de jambe
Le préparateur mental quant à lui vous expliquera que lorsque vous avez vu l'ouverture pour gagner le point, votre cerveau est passé sur un mode conscient en vous demandant de vous appliquer sur ce coup pour ne pas le louper, ce qui a justement conduit à le manquer. Il vous proposera quant à lui un travail sur votre capacité à jouer en mode « inconscient » en vous focalisant seulement sur la cible à atteindre et non sur le comment l'atteindre.
Que faire de ces informations ??
Le soucis, c'est que si vous écoutez ces quatre protagonistes, pour un malheureux coup droit en dehors des limites, vous allez partir sur un travail de titan afin de corriger le « problème ». On pourrait même imaginer un cinquième spectateur spécialisé dans le matériel théoriser sur l'usure du sur grip qui a provoqué une rotation involontaire de la raquette à la frappe...
Donc qui a raison me direz-vous ?
En fait, c'est à cette étape que tout se corse... ils ont à la fois peut être tous raison et tous torts. Tous raison car leur point de vue est argumenté, et est juste du point de vue de leur spécialité. Mais tous torts car dissocier comme ils l'ont fait les quatre composantes du tennis est purement théorique et ne prend pas en compte le jeu dans sa globalité.
Contrairement à beaucoup d'idées reçues, technique, tactique, physique et mental ne sont pas seulement complémentaires, mais également interdépendants et aucun n'est supérieur à l'autre. Ils forment un tout qui détermine le joueur.
En effet, que serait le sens tactique sans les qualités techniques ou physiques pour l'appliquer ? A quoi servirait le mental s'il n'est pas au service du physique et de la technique ? Et d'ailleurs, lorsque l'on travaille le physique, ne travaille t-on pas en même temps le mental ?
Les fondations du tennis sont indissociables
Ainsi, à la vue des éléments précédents, on se rend vite compte que vouloir séparer technique, tactique, physique et mental ou du moins vouloir les hiérarchiser est une utopie. Ces quatre facteurs interagissent entre eux et forment les fondations du joueur de tennis. Si un seul vient à vaciller durant le match, c'est l'ensemble qui devient branlant et menace de s'effondrer.
Application lors des entraînements
Il faut savoir qu'un même situation d'apprentissage peut effectuer un travail sur plusieurs paramètres. Ainsi, Ivan Lendl expliquait dans une interview qu'il faisait travailler Andy Murray en régularité contre deux adversaires en même temps afin de le forcer à mettre de l'intensité physique et mentale dans chaque frappe. Il estimait que cette intensité constante dans la frappe était ce qui manquait à son joueur pour progresser.
Si on analyse cette situation, on peut se rendre compte qu'elle intervient sur trois des quatre composantes du tennis : la technique (gammes), l'intensité physique et l'intensité mentale.
Dans le même genre, Rafael Nadal lors de ses entraînements joue souvent 5 sets contre 5 adversaires différents lors de ses séances d'entraînement afin de garder une intensité mentale, physique mais également procéder à des ajustement tactique en fonction de l'adversaire. Là encore, une situation intervient sur trois composantes.
Conclusion
A trop spécialiser l'entraînement du joueur, il y a un risque de se couper de la réalité du jeu qui repose de manière égale sur les quatre piliers fondamentaux : la technique, la tactique, le physique et le mental.
Il est important de ce fait lorsque le joueur rencontre un problème d'analyser la situation selon ces quatre angles afin de le cerner au mieux et de proposer la réponse la plus adaptée en fonction des attentes du joueur (car il ne faut pas oublier que si le joueur n'adhère pas à la solution, il n'y a pas de progression possible).
Naturellement, chaque spécialiste va essayer de ramener la couverture à lui et à sa discipline de prédilection. Seulement, chercher à résoudre un problème par le biais d'une seule discipline, c'est un peu comme regarder une scène avec une seule couleur : on a une vue forcément déformée de la réalité.
Technique, tactique, physique et mental sont les fondations du joueur de tennis et envisager l'enseignement de ce sport en s'appuyant sur un seul de ces facteurs ne peut conduire qu'à une impasse pour la progression du joueur.