Vers une association sportive 2.0

Dimanche 9 Mars 2014


@fft.fr

"A notre époque, on passait tout notre temps libre à aller jouer au tennis, on pouvait passer des après midi complètes au club. Aujourd'hui, le jeunes ne viennent plus s'ils n'ont pas cours". Cette phrase, qui ne l'a pas entendue en discutant avec un enseignant ou un responsable de club ? Elle démontre aujourd'hui toutes les difficultés que peut rencontrer une association sportive à intéresser ses jeunes adhérents à une activité sportive, et surtout, démontre une rupture entre les attentes des adultes et celles des jeunes joueurs, loisirs ou même compétiteurs. C'est d'ailleurs entre 12 et 16 ans que les clubs de tennis perdent plus de 80% de leur effectif.

Pour y remédier, la Fédération Française de Tennis a décidé de mettre en place une réforme des moins de 12 ans mise en place par la FFT à partir de la saison prochaine, (voir partie1 et partie 2) devant fidéliser les jeunes joueurs au sein des écoles de tennis en leur proposant une compétition évolutive censée correspondre à leurs envies. Seulement, nous pouvons nous poser la question du réel bien fondé d'une réforme qui en fait ne modifie que la forme et non le fond.

Je vous propose à travers cet article un essai d'analyse de la mise à mal du système associatif aujourd'hui pour essayer de mieux cerner la situation.
 

Moins de tennis à la télévision, une vraie raison ?

Si vous demandez aujourd'hui à des jeunes inscrits au club le nom de leur joueur préféré, ou quels grands tournois de tennis ils connaissent, vous risquez d'être choqués par les réponses du style : "Nadal car il est super fort sur la console" ou encore, "j'en sais rien, j'aime pas regarder le tennis à la télévision"... Caricatural mais j'avais posé cette question aux quelques 100 élèves que j'avais en école de tennis il y a deux ans, et sur moins de la moitié qui ont pu me donner un nom de joueur cohérent, moins d'une dizaine avait déjà regardé un match de tennis à la télévision. Ne parlons pas des 4 tournois du grand chelem que seul 1 enfant a été capable de me donner en totalité...

La première réaction serait de se dire que cette situation est provoquée par une moindre couverture des tournois à la télévision. Dans les années 80 en effet, nous pouvions voir sur les chaines publiques Rolland Garros, Monte-Carlo, Nice, Wimbledon, Bercy et les renconte de coupe Davis. Aujourd'hui, il ne subsiste plus sur France télévision que Roland Garros et la Coupe Davis.

Seulement, la technologie ayant évolué, la télévision Adsl permet désormais d'accéder à une foule de chaines différentes et en particulier des chaines spécialisées dans le sport couvrant une grande partie des tournois. De plus, il est facile d'accéder à des matchs gratuitement (mais pas forcément légalement !!) mis en ligne via les sites du style Youtube ou Dailymotion, ou encore de suivre les rencontre en direct par streaming... Donc on peut même dire que la possibilité de regarder des match de tennis est aujourd'hui quasi illimitée !!
 

Les parents, facteur essentiel de la pratique des enfants



Sauf à avoir un club à proximité de la maison, un enfant doit demander à ses parents de l'emmener. Or, on peut s'apercevoir depuis plusieurs années maintenant que les adultes ont de moins en moins de temps à accorder aux loisirs de leur enfants pour des raison diverses : allongement des temps de transport pour aller travailler avec la fatigue qui s'en suit,  fin progressive du schéma "classique" avec un parent au foyer, augmentation forte des séparations avec le partage de la garde des enfants. Toutes ces constatations font que beaucoup de parents privilégie les activités à horaire bien définie comme les sport collectifs et aiment particulièrement lorsque leurs enfant sont pris en charge du début à la fin, en particulier les jours de compétition.

Dans ce "nouveau" monde, le tennis apparaît un peu comme un ovni car pour progresser, il faut jouer et surtout en dehors de son entraînement ou pour se déplacer en tournoi. Cela demande une grande disponibilité pour faire le "taxi" et doit rentrer dans un projet familial fort. Pour cette raison, on s'aperçoit d'ailleurs que la plupart des meilleurs jeunes au sein des clubs sont ceux dont les parents jouent avec eux en dehors des cours et/ou sont compétiteurs eux même. Pour les autres, trop souvent malheureusement la pratique du tennis est toujours secondaire : on vient seulement si les parents n'ont pas prévu autre chose à faire. Difficile dans ces cas-là de motiver un enfant lorsque la famille proche ne donne pas d'importance à sa pratique...
 

Le retour de bâton de la pédagogie par le jeu

En 1994 avec le mini tennis, et en 1996 avec la création du club junior, la FFT a souhaité mettre en avant la pédagogie par le jeu afin de rendre plus ludiques les séances de tennis et donc plus plaisantes. Le soucis avec cette forme d'apprentissage c'est que l'apprentissage n'est plus un objectif en soi mais une conséquence du jeu mis en place.

Pourquoi soucis me direz-vous ? En quoi apprendre en jouant sans en être conscient n'est-il pas forcément bon à long terme pour la pratique de l'enfant ?

A mon sens,  dans la pédagogie par le jeu la volonté de progression passe au second plan car le plaisir est privilégié. Seulement, le plaisir est souvent lié à la victoire dans le jeu et de ce fait pour l'enfant seul le résultat compte, le comment faire devient secondaire. Dès lors, deux soucis se posent :

 - lorsque l'enfant ne gagne plus parce qu'il ne progresse plus, il se démotive et perd l'intérêt pour le tennis

 - lorsque l'enfant progresse et passe dans un groupe de compétiteur, il est très difficile pour lui de passer d'une pédagogie basée sur le jeu à un "travail" technique et tactique qui demande une concentration et une rigueur plus importante. De plus, pas mal d'enfants vivent très mal leurs premières compétitions lorsqu'ils se rendent compte que la notion de plaisir est mise de coté au profit de la recherche de performance. Ils se sentent souvent perdu et beaucoup préfèrent arrêter le tennis. Dans les groupes compétition, il y a d'ailleurs une nouvelles notion qui est celle de "compétition loisir" : on fait un peu de matchs, mais le tennis est avant tout pour "se défouler, se détendre" (dixit des enfants de 10 ans...).

Il est important également pour un enfant d'apprendre à apprendre, ce qui le rendra acteur de sa pratique. Sans forcément revenir aux méthodes traditionnelles, il faut tout de même se poser la question de ce que l'on veut développer au sein de nos écoles de tennis : le tennis loisirs du style "cours de récréation", ou alors une vrai pratique d'apprentissage, où le jeu devient un support et non une finalité.
 

La mise en place de groupe de niveau, est-ce suffisant ?

Le début de saison est souvent un casse tête pour l'enseignant responsable de l'école de tennis qui doit jongler avec la composition des groupes. Le plus souvent, il y a trois critères pour les réaliser :

 - l'âge
 - le niveau de pratique
 - la disponibilité (qui vient souvent d'ailleurs en premier dans le choix final...)

Seulement, on peut se demander si cette façon de faire est réellement suffisante pour créer des groupes homogènes. En effet, au delà du niveau et de l'âge, c'est surtout la motivation de l'enfant qui devrait être prise en compte et en particulier le but recherché dans la pratique. On peut distinguer dans la psychologie, trois grands types de but  :

 - but de performance avec des enfants qui rechercheront en priorité la confrontation (le match)
 - but de maîtrise avec des enfants qui vont rechercher les apprentissages
 - but ludique : on vient pour jouer et l'activité support est accessoire.

En mélangeant des enfants ayant des but motivationnels différents, on s'expose à des tensions au sein de groupe et à des motivation fluctuantes en fonction des tâches proposées et surtout complique fortement a tâche de l'enseignant. Les filles ont longtemps été considérées comme recherchant exclusivement un but de maîtrise mais cette époque (si elle a existé un jour !!) est révolue : les filles se sont "masculinisées" dans leurs rapports aux activités sportives (et dans leur comportement) et un bon nombre d'entre elles apprécient la confrontation sous forme de match.

Le développement des courts couvert : un bien ou un mal ?

Avec l'augmentation très fortes du nombre de courts couverts, les clubs de tennis se sont dotés d'outils améliorant le confort de leurs adhérents. Seulement, là où les courts de tennis extérieurs étaient pleins même en plein hiver, beaucoup ne sont plus utilisés aujourd'hui de novembre à avril voire mai. De plus, tout est prétexte à jouer en intérieur : "trop froid, trop chaud, trop de vent, le soleil gêne..."

De ce fait, pas mal de joueurs préfèrent ne pas jouer au tennis plutôt que de jouer dehors... Seulement, il ne faut pas oublier que le tennis est un sport d'extérieur, que les tournois et les matchs par équipes se déroulent dehors lorsque les conditions le permettent. De ce fait, il est parfois peu plaisant pour un joueur de faire de la compétition si l'habitude de jouer dehors en match officiel si l'habitude n'a pas été prise ce qui peut engendrer des changement d'activité.


Les nouveaux moyens de communication, une évolution peu prise en compte

Dans les années 80, un enfant avait pour résumer 3 lieux de socialisation où il pouvait rencontrer ou discuter avec ses amis :
 - l'école
 - la rue (ou du moins se retrouver tous chez un ami)
 - les activités périscolaires

De ce fait, les temps libres du week-end et des vacances étaient souvent l'occasion de se retrouver sur le terrain le sport. Un club de tennis durant ces période était souvent plein

Durant ces 20 dernières années, l'avancée technologique la plus importante a été le développement des moyens de communication (internet et téléphonie mobile) qui permettent aujourd'hui de discuter avec plusieurs amis (ou non d'ailleurs) durant des heures sans avoir à sortir de chez soi... Ce nouveau facteur est en train de modifier complètement le sens des liens sociaux qui peut exister entre les jeunes car en dématérialisant de la sorte les liens, on assiste à un isolement et un enfermement sur soi même de plus en plus important.

Les associations sportives patîssent énormément du développement de facebook, des jeux en lignes et de la généralisation des smartphones avec des forfaits permettant d'envoyer des sms à volonté (plus de 5000 par mois parfois soit plus de 150 par jour !!). En effet, ce temps libre autrefois dévolu à la pratique sportive entre copains est désormais occupé par ces nouvelles technologies.
 

La crise

Il ne faut pas se leurrer, les difficultés financières sont de plus en plus présentes dans les ménages. Les gens ne le dise pas ouvertement, mais on a souvent l'expression "on doit faire attention" qui revient, et de plus en plus, les joueurs ne recherchent plus un club en fonction de la qualité d'accueil ou des compétence pédagogiques, mais tout d'abord sur l'aspect financier. En Ile de France, beaucoup de petits clubs, peu chers, sont en plein essor quand les plus grosses structures qui ne se sont pas adaptée à la nouvelle donne sociale voient leurs effectifs chuter de plus en plus.

Le tennis n'est plus aujourd'hui ce sport permettant une pratique familliale le week-end, où du moins le reste pour des familles financièrement plus aisées.
 

Après ce constat plutôt déprimant, un essai de réponse...

Dans ce chapitre, pas de solution miracle à proposer mais seulement des pistes de travail peut être à exploiter pour maintenir une activité cohérente au sein du club en fonction des attentes. Les situations sont aussi variées qu'il y a des clubs mais si elle veut s'adapter à la mutation actuelle de la société, l'association va devoir évoluer pour répondre aux nouvelles demandes :

 - Au sein de l'école de tennis, créer des groupes en respectant les buts motivationnels de l'enfant.
 - Se servir de la pédagogie par le jeu comme moyen et non comme finalité.
 - Mettre en place des "à coté" et en particulier des animations variées tennis ou extérieures au tennis pour fidéliser les jeunes. Eventuellement installer une zone de jeu dans le club house avec console, jeux de société, télévision ou des matchs sont diffusés pour faire découvrir les joueuses et joueurs de haut niveau. En gros, faire que le club (re)devienne un réseau social à part entière.
 - Veiller à ce que les tarifs correspondent à l'environnement social du club. Assurer une formule "famille" permettant aux parents de venir jouer avec leurs enfants.
 - Valoriser dès que possible le jeu en extérieur pour faire prendre conscience que l'on peut jouer dehors même en hiver.

Il ne faut pas perdre de vue que désormais l'association sportive est un produit qui doit s'adapter à un marché. Si le produit ne correspond pas aux attentes, les gens vont voir ailleurs sans remords.
 

Conclusion :

La situation est loin d'être simple et il faut un ajustement permanent de la part des salariés et bénévoles pour rester collé à la réalité des attentes et des demandes. Rien n'est jamais acquis et nombreux sont les clubs ayant connu une forte croissance, connaître un déclin tout aussi rapide en se reposant sur leurs lauriers. Plutôt que de regretter le passé, mieux vaut chercher à répondre aux attentes présentes car la société évolue, c'est comme ça et il faut faire avec.


 

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