Fin de saison 2015, bilan sur les réformes et les perspectives à venir
Dimanche 13 Septembre 2015
@fft.fr
S'il y a bien une saison qui a été marquée au niveau de la FFT par les réformes et de grandes interrogations, c'est bien 2015. En effet, en moins de 12 mois, la fédération a dû animer la mise en place de la réforme des - de 12 ans, repenser le diplôme du DE à la fois dans les contenus mais également dans les condition d'admission à la formation, travailler à développer le padel, et faire face à une des baisses les plus importantes de licenciés de ces dernière années.
Toutefois, cet article est aussi l'occasion de tenter d'analyser un peu plus en profondeur les réformes proposées et de faire au global un peu le bilan de cette saison vue du coté des clubs.
1/ La réforme des moins de 12 ans
Difficile de passer au travers de cette réforme au sein des clubs, le communication de la fédération a été énorme durant toute la saison et la DTN a réalisé un tour de France dans les ligues pour présenter cette nouvelle organisation aux enseignants et présidents de clubs. Je vous avez proposé d'ailleurs dans ce blog un article qui présentait la réforme et qui posait certaines questions dans sa conclusion.Il est temps désormais d'y répondre.
1/ Les points positifs :
- pour la première fois depuis très longtemps, la fédération a proposé aux enseignants un cahier de l'enseignant qui est un réel outil pédagogique avec des situations de références simples, claires et progressives pour chaque coup sur chaque terrain. Ce document a été doublé avec la multiplication des vidéos pédagogiques sur le site dédié aux enseignants ce qui est une vraie avancé par rapport aux année précédentes.
- Le programme proposé est plutôt évolutif et axé sur les compétences de jeu de l'enfant ce qui est une bonne chose. Cette réforme valide enfin le terrain blanc, utilisé depuis de nombreuses années par les enseignants et propose enfin des formats de jeu de matchs pour les très jeunes débutants ou les enfants un peu moins doués.
- Les journées jeu et matchs permettant de valider régulièrement les niveaux des enfants permet de donner un réel sens aux traditionnelles séances de matchs avant les vacances. Le fait d'ailleurs de valider les compétences des enfants sous forme de match et avec des impératifs de nombre de matchs joués est vraiment intéressant car permet de détacher l'enfant de la maîtrise d'exécution détachée de la situation réelle de jeu. Toutefois, nous verrons aussi que cette forme d'évalutation peut ne pas convenir à tous les enfants.
- la réforme des classements en passant à des classements par couleurs et étoiles, même s'il a été compliqué à accepter pour certains parents, permet d'atténuer la course à la performance malsaine qui s'était installée. Idem pour les compétitions à âge réel qui permettent de réduire un peu les différences entre les enfants.
- La très bonne idée de la réforme est de proposer les matchs lors des tournois officiels par des poules sur une demi journée, ce qui permet de faciliter la question du transport.
2/ Les points négatifs :
- la réforme est aujourd'hui très peu mise en place dans les clubs. En effet, les premiers chiffres montrent que moins de 40% des clubs ont modifié le niveau d'au moins un joueur au cours de la saison sportive... Il ne faut peut être pas y voir de la mauvaise volonté de la part des enseignants, mais le timing était-il bon avec le soucis rencontré de la réforme des rythmes scolaires et donc beaucoup d'interrogations au sein des clubs ? Ouvertement non. De plus, il est toujours compliqué pour les enseignants de renoncer à une partie de leur organisation lorsque celle-ci fonctionne correctement et que les adhérents du club sont contents.
Il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas salariés de la fédération mais d'un club qui a des objectifs de satisfaction. Modifier une structure en bonne santé est toujours risqué...
- au niveau des compétitions par équipe, la limitation par âge réel et par niveau a été un désastre et a conduit à réduire très fortement le nombre d'équipes engagées. Les ligues ont été obligées de réfléchir à des assouplissements pour la saison prochaine afin de permettre à un maximum de joueurs de participer.
- de la même manière, les compétitions individuelles ont connu de gros soucis de fonctionnement avec soit la règle des matchs sur la demi journée non respectée, soit des enchaînements de match avec moins de 20 minutes de repos... De plus, le nombre d'engagés possible ayant fortement diminué, beaucoup de tournois étaient remplis directement par des joueurs du club. Idem pour les tournois des plus hauts niveaux verrouillés généralement par les entraînés de ligue.
- vouloir axer la composition des groupes de l'école de tennis sur le niveau de jeu et non l'âge était une bonne idée au départ mais ne tient pas compte de deux facteurs essentiels : la psychologie de l'enfant avec le refus de certains de jouer avec des joueurs plus jeunes même s'ils ont le même niveau (sentiment d'infériorité), ou encore la disponibilité des enfants qui est prédominante. De la même manière, cette réforme sous entend une organisation articulée pour pouvoir changer les enfants de groupe en cours d'année, or c'est quasiment impossible du fait des emplois du temps.
- et surtout ce qui est le plus important à mon sens, c'est que donner la priorité aux matchs et à la compétition ne va pas contenter tous les enfants, loin de là. Or aujourd'hui, un enfant ne peux pas avancer dans les couleurs s'il ne s'investit pas un minimum en match.
@fft.fr
3/ Conclusion :
La réforme en elle même est intéressante mais on a l'impression qu'elle a été mise en place trop rapidement et surtout trop tard pour que les clubs et les enseignants se l'approprie correctement. De la même manière, l'organisation des compétitions doit être repensée et déjà certaines dérogations ont été attribuées pour autoriser certaines têtes de ligue à participer à des tournois de la catégorie supérieure...
Il aurait put être mieux valu mettre en place cette réforme de manière progressive en repartant des plus petits ce qui aurait également évité la mascarade des 2004 qui avaient un classement, l'ont perdu pour en retrouver un parfois dérisoire lors de leurs 11 ans...
2/ La réforme du DEJEPS
Ce point a été également une petite bombe dans le monde du tennis avec en point d'orgue l'abaissement du classement pour passer le diplôme à 15/2. L'effet recherché est de la bouche même de Bernard Pestre, DTN adjoint de la FFT en charge de la formation d'augmenter les effectifs des diplômés car avec la fin du BE avec ses candidats libres, ce sont presque 150 enseignants manquant chaque année (300 pour le DE contre 450 pour le BE). Et c'est là que le bas blesse aujourd'hui car comment expliquer que la fédération ait fait tout ce qui était possible pour limiter l'accès au diplôme en imposant la formation en supprimant les candidats libres, et surtout en supprimant toutes les équivalences avec les diplômés en STAPS qui possèdent des connaissances et des compétences qui ne sont aujourd'hui plus reconnu dans l'attribution du diplôme.
Pour rappel, un titulaire du DEUG STAPS possédait l'équivalent du tronc commun BE1 et un titulaire de la licence du tronc commun BE2. Et aujourd'hui on nous explique qu'il faut baisser les classement pour avoir plus de diplômés ? On est pas loin de la mascarade...
Attention, cette réforme peut permettre également à des personnes motivées et compétentes au niveau pédagogiques qui sont 15/2 ou 15/1 et qui feront d'excellent enseignants par la suite de pouvoir rentrer en formation ce qui est une très bonne chose pour le tennis, mais il y a tout de même certains risques pour la profession, mais aussi pour les futur diplômés n'ayant jamais été seconde série :
- le plus souvent, lorsqu'il y a des offres d'emplois, la condition sous-jacente est de devenir joueur du club pour jouer les matchs par équipe. Entre deux enseignants pour un même poste, il y a de forte chance que ce soit le mieux classé des deux qui soit accepté. D'ailleurs, pas mal d'annonces sur la Bourse des enseignants stipule des classements minimum, et les ligues en premier...
- Plus d'enseignants veut dire aussi plus d'offre ce qui peut conduire à une baisse des salaires à plus ou moins long terme. Beaucoup de jeunes collègues aujourd'hui sont obligés de rentrer dans le métier par des contrats aidés payés en dessous du salaire moyen.
La vraie question est de savoir à qui profite réellement cette réforme ? Soyons honnête, il y a de grands risques que ce soit les organismes de formation qui ont vu par cette simple mesure un doublement potentiel du public visé. Additionné au passage de la formation à 2 ans, à près de 12000 euros la formation financée en partie par les OPCA, il y a de forte chance que ce soit eux qui touchent le jackpot. En effet, si le soucis était seulement un manque de DE, pourquoi ne pas remettre en place simplement les candidats libres au lieu de continuer dans cette voie de privatisation du diplôme avec des organismes à la fois formateurs et certificateurs ?
L'abaissement du classement a été l'arbre qui cache la forêt car ce que peu de gens savent, c'est que la modalité de certification a elle aussi évoluée avec la fin des passage de l'enseignant avec un groupe devant un jury. Désormais, le stagiaire validera sa pratique pédagogique en présentant une séance prise en vidéo devant un jury... Sans commentaire... Le DE avait déjà vu la fin des séances tirées au sort avec un groupe découvert le jour J pour proposer des séances choisies par l'enseignant avec un de ses groupes habituels, mais là il y a encore une étape de franchie qui va reléguer la pédagogie à un rang accessoire.
La qualité première d'un enseignant est sa capacité à s'adapter sur le terrain. Comment jauger de ce paramètre avec une simple vidéo ? La fonction première d'un DE est d'enseigner, pas de monter des projets clubs. Au moment où on parle de permettre aux AMT d'encadrer des adultes, il y a un très gros risque de décrédibilisation du diplôme et de la profession...
@fft.fr
3/ De la chute de licenciés au développement du Padel
Ca peut vous paraître un peu surprenant de coupler ces deux points, mais ils sont à mon sens révélateurs des problèmes actuellement rencontrés.
1/ la chute des licenciés
Avec près de 50000 licenciés de moins sur cette saison, le branle bas de combat a été intense au niveau fédéral qui a envoyé tous azimuts des signaux d'alerte au niveau des ligues, des clubs et des enseignants en expliquant qu'il fallait impérativement réagir au risque de voir les chiffres dégringoler encore sur plusieurs années. Tous les voyants semblent au rouge, mais il faut analyser la situation plus en profondeur pour tenter de relativiser cette baisse, et ne pas seulement s'arrêter à la mise en cause des enseignants sur leur mode d'intervention soit disant trop technique :
- tout d'abord, les effectifs d'une fédération de plus d'un million de licenciés est forcément soumis à des fluctuations cyclique. Dans le passé, des baisses importantes ont déjà eu lieu et parfois même plus grave comme cette perte de près de 80000 licenciés entre 1992 et 1993, puis de 90000 licenciés entre 1994 et 1993.
- ensuite, il faut également penser la situation en terme de conjoncture avec en particulier la mise en place de la réforme des rythmes scolaires qui a pris beaucoup de clubs au dépourvu et a poussé certains parents à inscrire leurs enfants aux NAP plutôt que dans un club. Cette saison, il faut parier sur le fait que la majorité des associations a réussit à intégrer cette réforme dans son fonctionnement ce qui va stabiliser les effectifs voire même les voire repartir à la hausse.
Enfin, il faut se poser la question de la cohérence de la fédération dans cette baisse. En effet, comment d'un coté constater une baisse importante des effectifs et de l'autre augmenter de manière importante le prix des licences depuis 2 ou 3 ans avec quasiment +10% par an. Le financement du nouveau stade de Roland Garros et du nouveau CNE ne doit pas prendre les clubs et les joueurs en otage. Ensuite, la question de la communication doit être impérativement mise sur le tapis tant la FFT semble complètement à la ramasse sur ce point. Deux exemples marquants :
- le spot que vous avez sûrement vu lors du dernier Roland Garros reprenant un slogan dérivé du célèbre "je peux pas j'ai piscine" des Guignol de l'info en "j'peux pas, j'ai tennis".
Pour résumer, un spot qui ne montre absolument pas l'activité, mais simplement un homme qui refuse un rendez-vous avec une très belle jeune femme pour aller pratiquer son sport ? On fait passer le joueur de tennis pour un mongolien... Lorsque l'on voit la qualité des programmes aujourd'hui proposés par la Fédération Française de Rugby avec "je t'apprend le rugby" ou encore la fédération Française d'Equitation avec la mini série "le cheval, c'est trop génial" où l'on voit des enfants en action dans les différentes formes de pratiques équestres possibles, il faudrait une vraie remise en question du service communication de la FFT pour enfin produire un outil télévisuel de qualité permettant d'attirer les enfants et les parents.
Faites-nous un spot avec les enfants et les adultes pratiquant un tennis évolutifs adapté à leur niveau, où l'on voit des gens prendre du plaisir, bref un vrai atout pour la promotion de notre sport...
2/ le développement du padel
Le Padel est une activité sur laquelle la fédération mise beaucoup aujourd'hui, alléchée par le développement exponentiel que ce sport connais en Espagne. Et il est vrai que le Padel présente de nombreux atout pour devenir une activité prisée du grand public : convivialité et facilité de jeu en particulier.
Seulement, si l'on prend le développement du Padel dans un autre sens, on ne peut s'empêcher de penser que la fédération avoue par cette voie son impuissance à continuer à développer le tennis loisir, ce qui est tout de même sa fonction principale. En effet, développer le Padel demande donc de développer des infrastructures, ce qui va donc dévier les crédits initialement prévus pour la construction et le développement des courts de tennis. Le risque n'est-il pas à plus ou moins long terme de sacrifier la qualité des équipements que nous connaissons aujourd'hui pour développer une activité émergente mais dont nous ne sommes pas assurés du succès ? De plus, il ne faut pas oublier que les conditions climatiques en Espagne ou en Amérique du Sud permettent la pratique en extérieur durant plus de 10 mois de l'année, alors que pour une grande partie du territoire français, ce sont seulement 5 ou 6 mois maximum que ces installations pourront être utilisées...
Ne serait-il pas plus intéressant pour notre sport de mettre l'accent sur le tennis évolutif présentant du matériel et des terrains adaptés et permettant à des débutants de prendre du plaisir dès les premières séances ?
4/Conclusion
Cette saison a été riche en rebondissement et en remise en cause avec des perspectives plutôt inquiétantes. La réforme des moins de 12 ans a connu une mise en route difficile mais présente un réel intêret dans sa forme ainsi que dans son fondement en mettant en avant la pédagogie et le tennis évolutif. Dans le même temps, il faut se donner encore un peu de temps pour que la mise en place soit précisée et que les bugs connus cette année soient corrigés.
Par contre, ce qui est plus inquiétant c'est aujourd'hui un discours de la fédération qui semble en décalage avec ses actes concernant le développement du tennis. Tirer sur la pédagogie des enseignants est peut être le meilleur moyen de se dédouaner de toute responsabilité, mais seulement il faut justement aujourd'hui que la FFT analyse en profondeur les causes, à la fois externes, mais également en interne. Pourquoi par exemple rester sourd au développement dans le monde du Fit tennis qui prend un essor de plus en plus important dans le monde et ne demande pas de nouvelles structures pour la pratique ?
Les solutions sont multiples mais il faut se donner les moyens de le mettre en oeuvre. Ce sont les clubs qui sont les moteurs de mettre en place de nouveaux concepts pour répondre à des demandes de plus en plus précise et surtout particulières.
La fédération quant à elle doit se recentrer sur les outils de promotion du tennis. Elle réalise des documents de qualité à la fois écrits mais aussi vidéo en direction des enseignants. Il est temps aujourd'hui qu'elle se serve de son savoir faire en direction du grand public pour leur donner envie de pratiquer au sein des clubs.