La pronation au service : Graal ou chimère pédagogique ?
Mardi 25 Février 2014
2 commentaires
@tennis world USA
Dans la planète de l'enseignement du tennis ces dernières années, une révolution au niveau du service a été mise en avant : la pronation... Censée tour à tour augmenter la puissance (on annonce parfois même plus de 50% de vitesse de balle), donner plus d'effet à la balle, faciliter le rabat dans le carré de service visé, cette notion se pose aujourd'hui comme incontournable dans le développement d'un service moderne à tel point qu'elle est presque considérée comme le point le plus important de ce coup.
Toutefois, que cache réellement cette notion et surtout est-elle aussi prometteuse qu'on veut bien nous faire croire ou n'est-elle au final qu'un coup marketing permettant aux enseignants de crédibiliser leur enseignement en évoquant la biomécanique.
Je vous propose dans cet article un petit tour d'horizon qui va dans un premier temps tenter d'expliquer cette notion telle qu'elle est perçue dans le tennis aujourd'hui , et surtout dans un deuxième temps voir si la notion de pronation est réellement ce Graal pédagogique qui vous permettra d'améliorer votre service.
La pronation : qu'est-ce c'est ?
La pronation est une rotation de l'avant bras permettant à la paume de la main de s'orienter vers le sol à partir de la position coude fléchi à 90°.
Au niveau du service au tennis, la définition de la pronation communément admise est l'action de la main permettant au tamis de s'orienter face à la balle puis latéralement après la frappe, comme nous le montre la séquence suivante du service de Mark Philipoussis :
Photo 1 : lors du lancer du coude, la raquette se présente par la tranche
Photo 2 : la pronation a permis au tamis de s'ouvrir lors lors de la remontée pour se présenter face à la balle
Photo 3 et 4 : on peut remarquer que l'ouverture du tamis continue pour s'orienter vers le coté droit du joueur. Dans l'enseignement actuel et dans la littérature spécialisée, cette rotation est encore qualifiée de pronation permettant d'accentuer à la fois l'accélération de la tête de raquette.
Pronation, est-ce réellement le bon terme ?
Vous l'aurez compris, je ne suis pas en accord avec le point précédant et cette définition de la pronation que j'estime fausse pour les photos 3 et 4. En effet, si l'on fait la petit expérience suivante, vous allez comprendre : placez votre bras dans la position vue en photo une puis bloquez votre coude avec votre main libre et essayez de réaliser la pronation. Si vous le réalisez correctement, vous vous apercevrez vite que la rotation va être limitée et ne pourra aller au delà de la présentation du tamis face à la balle :
De ce fait, l'action permettant au tamis de s'orienter sur le coté droit du joueur droitier après la frappe ne peut anatomiquement être une pronation mais est en fait une combinaison entre la rotation interne de l'épaule, la pronation de l'avant bras et la flexion du poignet !!
Si nous regardons avec cet oeil nouveau la séquence suivant prise de dos, on peut se rendre compte plus facilement de la mise en action musculaire :
Photo 1 : la boucle a permis une rotation externe de l'épaule et une supination de l'avant bras permettant la mise en tension musculaire.
Photo 2 : la rotation interne de l'épaule permet de faire passer la raquette de l'arrière vers l'avant du corps, l'extention du coude permettant la montée de la raquette vers le point d'impact. La pronation de l'avant bras permet l'orientation du tamis face à la balle et est maximale à ce moment là.
Photo 3 : afin d'assurer le meilleur passage de la raquette dans la balle, la rotation interne de l'épaule continue afin de réaliser l'accompagnement accompagnée par une flexion du poignet. Cette action est possible en grande partie grâce au relâchement musculaire des muscles antagonistes au mouvement, relâchement permettant de limiter la violence d'arrêt du geste afin d'éviter les blessures.
Cette analyse, si elle montre l'aspect fondamental de la pronation dans l'orientation du tamis face à la balle pour un joueur servant en prise marteau, montre surtout l'importance de la rotation interne de l'épaule qui produit à lui seul près de 40% de la puissance du service (contre moins de 30% à l'ensemble extension du coude, pronation pronation de l'avant bras et flexion du poignet) - Source :Technique developpement in tennis stroke production, édition ITF -
Un apport technique moderne ?
Là encore, ce qui a été considéré comme une nouveauté mise en place par des serveurs puissant vers la fin des années 90 est en fait présent dans la technique du service depuis très longtemps. Ainsi, sur cette série de photos issues d'une reportage sur l'équipe américaine de Coupe Davis de 1954 (!!) nous pouvons observer Ken Rosewall utiliser une technique gestuelle très proche du service moderne actuel avec en particulier cette utilisation importante de la rotation interne de l'épaule couplée à la pronation et à la flexion du poignet pour terminer son service à plat avec la face du tamis orientée vers le coté droit du court...
Bluffant non ?? et les exemples sont multiples : Mac Enroe, Borg...
Edit : erreur de ma part, Ken Rosewall est australien et en plus sur les photos il s'agit de Lewis HOAD... toutes mes excuses et mes remerciement à Robemjos pour cette correction.
Conclusion
"Pronation" est un terme utilisé à tord et à travers dans le domaine de l'enseignement du tennis et je trouvais important de le redéfinir par une analyse biomécanique la fin du geste du service pour désacraliser un peu cette notion. Bien évidement, elle est importante car permet d'orienter le tamis face à la balle, mais on est loin des vertus qui lui sont attribuées comme un gain de puissance ou d'effet.
Pas très grave vous me direz puisque ce n'est qu'une erreur de terme...
Seulement, pensez au nombre de joueur qui ont tenté d'améliorer la vitesse de leur service en renforçant les rotateur de l'avant bras pour se rendre compte que cela ne sert (quasiment) à rien. Pensez également aux nombreux joueurs qui se sont bousillé l'épaule sans comprendre pourquoi lorsqu'on leur a appris à servir ou à améliorer leur service en exagérant la pronation de l'avant bras qui en fait provoquait une forte rotation interne de l'épaule...
Enfin pour conclure, rappelez-vous que copier techniquement les joueurs de haut niveau qui sont préparés physiquement peut être dangereux. Nombreux sont les joueurs ne possédant pas une épaule suffisante pour rechercher cette orientation du tamis après la frappe qui vont abîmer leur ligament en voulant reproduire ce geste. Chaque chose en son temps et ne vous laissez pas attirer par les chants des sirènes qui vont vous promettre une amélioration miraculeuse...
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Commentaires :
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John Doe dit :
26/2/2014 à 11h 18min
Oups, effectivement, grosse erreur de ma part que je vais corriger tout de suite.
Robemjos dit :
26/2/2014 à 8h 42min
Je suis entièrement d'accord avec vous au sujet de la prétendue pronation.
Dans le chapitre "Un apport technique moderne" vous publiez des photos issues d'un reportage sur l'équipe américaine de Coupe Davis (1954), vous citez Ken ROSEWALL. Il s'agit d'une petite erreur de votre part : Ken ROSEWALL est australien. Les photos que vous lui attribuez sont, je pense, celles du service de Lewis HOAD, qui formait avec ROSEWALL le fameux duo des "wonder kids".